Bureau de presse
Athènes, le 24 mars 2021
Discours du Président du Parlement hellénique en séance plénière de la Délégation nationale : « Fiers du bicentenaire de la Révolution de 1821, nous avançons avec optimisme vers un meilleur avenir »

À l'occasion de l'anniversaire national du 25 mars et de la célébration du 200e anniversaire de la glorieuse Révolution grecque en 1821, le président du Parlement hellénique, M. Constantin Tassoulas, s'est adressé à toutes les Grecques et à tous les Grecs, notant que chacun et chacune de nous doit « chérir cet anniversaire comme un porte-bonheur qu’il va garder dans son cœur, pour l'aider avancer aux prochaines étapes, qui seront, qui pourront et devront être les étapes pour sauvegarder tout ce que nous avons accompli, mais aussi des étapes qui nous mèneront vers encore plus d’accomplissements, des étapes de liberté vers la joie » .
« Chers collègues, mesdames et messieurs, il est évident que les célébrations du 200e anniversaire de la proclamation de notre Révolution nationale de 1821 ne se déroulent pas dans les conditions que nous souhaiterions tous ; pourtant, même ainsi, le moment, l’actualité, la situation difficile à laquelle nous sommes confrontés, tout doit s’incliner devant l'Histoire. Reconnaissons que même cette situation difficile que nous vivons depuis plusieurs mois à cause de ce démon de la santé, ne peut pas dépasser émotionnellement, spirituellement, mentalement la valeur que nous devons montrer pour cet anniversaire éminent de l’Hellénisme.
« La Grèce formera un État indépendant et jouira de tous les droits politiques, administratifs et commerciaux attachés à une indépendance complète. » C'est le premier article du Protocole de Londres, signé le 3 février 1830 par les grandes puissances d'alors - Grande-Bretagne, France et Russie - qui a fait de la Grèce un royaume indépendant et souverain.
« Tous les territoires et pays situés au sud de cette ligne, […] appartiendront à la Grèce… » Les territoires et les pays situées au sud de cette ligne… Quelle ligne, mesdames et messieurs ? La ligne définie par les estuaires d'Achéloos et de Sperchios. Ce fut la première Grèce de 1830, la Grèce au sud de la ligne estuaire de Sperchios et Aspropotamos, c'est-à-dire Achéloos, plus l’Eubée, les Sporades, les Cyclades. Et avec cette Grèce comme tremplin, 200 ans plus tard, nous nous trouvons ici aujourd'hui.
« La mémoire » - écrit Dionysios Kokkinos dans son extraordinaire Histoire de la révolution grecque – « fut la première grande ressource de l'homme raisonnable pour conquérir ses nouvelles routes. L'histoire est née par la nécessité de développer cette arme. C'est la connaissance des forces éprouvées et de ses possibilités manifestées » - attention, de ses forces éprouvées et de ses qualités manifestées – « envers les obstacles, les épreuves et les conquêtes au cours des siècles. Sans la connaissance du passé, il est impossible de mesurer les forces du présent, ou de se tourner vers l'avenir », a écrit l’académicien Dionysios Kokkinos.
Aujourd'hui, nous nous trouvons devant l'événement extraordinaire de l'achèvement de deux siècles depuis le déclenchement de la Révolution, qui est l'événement le plus glorieux et le plus important de l'histoire de l'hellénisme contemporain et qui conduisit à la création de l'État grec après une lutte épique qui dura neuf ans, contre un adversaire incomparablement plus fort.
Tout ce qui contribua à déclencher la Révolution de 1821 est bien connu. Je vais en faire une brève mention. C’était la tradition de la nation grecque (le Génos), non seulement en tant que conscience de l'Histoire, mais aussi en tant que tendances subconscientes héritées et enseignées qui nous éveillent et nous conduisent vers notre destin, en cas de besoin. C’étaient tous les révolutionnaires de 1821 qui ne connaissaient pas forcement la tradition constitutionnelle de la Révolution française ou de la Révolution américaine, ils ne connaissaient pas Aristote ou Platon - bien que les Lumières et l’antiquarianisme ont aidé à paver la voie vers Révolution. La plupart d’eux étaient des personnes simples, qui avaient le besoin ardent de la libération et de la création de l’État grec.
« J’entends tirer, des fusils crachent, J’entends des sabres cliquetants, J’entends des coups, j’entends des haches, J’entends des grincements de dents. » * Et c’est comme ça, avec des grincements de dents, avec des haches, avec des fusils et des sabres, que la Révolution a eu lieu - bien sûr les Lumières, l’antiquarianisme, les premières institutions ont joué leur rôle, mais le rôle principal a été joué par l'esprit indomptable d'un peuple inspiré, qui portait en lui l’aspiration à revenir au premier plan de l'histoire.
Mesdames et Messieurs, lors de la première occupation de Constantinople par les Francs, le précurseur de la Grande Idée se fit entendre dans l'un des empires créés après le départ des Byzantins de Constantinople. On l'endenta avant la prise de Constantinople, par ces mots : Nous reprendrons nos patries, que nous avons perdues à cause de nos erreurs.
Ce précurseur émouvant de la Grande Idée a été gardé vif pendant des siècles dans la conscience des Grecs et lorsque les conditions le permettaient, la Révolution de 1821 a éclata.
Donc la tradition de la Nation, l'Église orthodoxe grecque qui était le ciment en préservant la langue et la tradition, et avait le rôle de substitution de l’Etat, les intellectuels de la nation, dont j'ai parlé, tous ces enseignants de la Nation, qui cultivèrent en Grèce et à l’extérieur la nécessité d’une existence grecque, d’ un État grec, la Société Amicale (Filiki Eteria) évidemment, en lettres capitales, la prospérité de la marine grecque et la puissance militaire de l'hellénisme à travers les Klephtes et les Armatoles ; voilà les facteurs qui ont contribué au déclenchement de la Révolution.
Les événements commencèrent avec l'entrée du Bataillon Sacré d'Ypsilantis aux principautés danubiennes de Moldavie et Valachie. Lorsque cette première explosion révolutionnaire commença, elle créa une puissante distraction pour la proclamation de la Révolution, qui eut lieu un mois plus tard, en mars 1821, dans le sud de la Grèce.
Fin 1821, la Révolution se consolida dans le sud de la Grèce et le 1er janvier 1822, l'existence politique et l'indépendance de la nation se proclamèrent à Épidaure lors d’une Assemblée qui vota sa Constitution. En 1822 et 1823, la Révolution se stabilisa après la défaite de Dramali et l'incendie du navire amiral ottoman à Chios par Kanaris. En 1824, on a le premier déclin, les premières guerres civiles. En 1825, Ibrahim conquit le Péloponnèse. En 1826, la glorieuse Sortie des assiégés de Missolonghi entraina un impact positif en Europe en raison de l'atrocité ottomane.
En 1827, Karaïskakis parvint à ressusciter la lutte en Grèce continentale. Néanmoins, les problèmes persistaient. L'Acropole se reconquit. Mais ce que je viens de vous dire commença, cette volonté indomptable pour la lutte - qui se déroulait déjà pendant huit ans – et suscita l'intérêt de l'agent diplomatique international, qui, sous la pression à la fois du philhellénisme mais aussi de ses intérêts, décida de résoudre le problème de la Révolution grecque en tant que problème sérieux de diplomatie internationale.
En 1827, la bataille de Navarin a eu lieu ; un grand diplomate et écrivain, Angelos Vlachos, écrit : « Quand je suis revenu en Grèce et je suis allé en pèlerinage à Navarin, j'ai traversé en bateau cette surface de la mer, le baptistère de la liberté grecque. L’eau cristalline laissait voir les navires et les mâts de la flotte ottomane autrefois puissante, penchés au fond. Et à la surface, une brise légère couvrait la mer d'innombrables sourires lumineux. Et toute cette zone couleur bleu-doré me semblait, oserais-je dire comme une tombe souriante ».
En 1828 Kapodistrias entra en scène, et tout changea radicalement. La Grèce continentale fut conquise et en septembre 1829 Dimitrios Ypsilantis remporta la dernière victoire des Grecs contre les troupes ottomanes à Petra, en Béotie.
Le 3 février 1830 à Londres se signa l'accord qui établit les frontières de la Grèce sur la ligne de l'estuaire des fleuves Sperchios et Achéloos. Le 8 avril 1830, les ambassadeurs des trois grandes puissances à la Porte Sublime remirent une copie du traité de Londres à la Porte ottomane. Quelques jours plus tard, la Porte ottomane accepta le traité de Londres et reconnut l'indépendance de la Grèce.
Le Parlement hellénique, chers collègues, Mesdames et Messieurs, participe aux festivités et nous apprécierons tous, j'en suis sûr - d'abord avec attention, en ligne, puis en présence physique – la grande exposition que nous avons préparée. L’exposition sera présentée à deux niveaux. Dans le Péristyle, on présentera l'éveil de l'hellénisme, tout ce qui a conduit au déclenchement de la Révolution de 1770 à 1821 et qui est lié au philhellénisme, aux Lumières, à l'influence de l'Église orthodoxe, bref à la nécessité de ressusciter ce qu'on appelait la Grèce dans la vaste étendue de l'Empire ottoman, qui était encore puissant.
Dans la salle des trophées à l’étage, dans la salle d'Eleftherios Venizelos, nous présenterons les événements diplomatiques, militaires et politiques de la période 1821 - 1833, c'est-à-dire jusqu'à la première et deuxième reconnaissance de l'indépendance de la Grèce et l'arrivée du roi Otto. Nous y présenterons la plupart des événements importants qui ont conduit à l'indépendance.
Dans le Péristyle nous aurons donc la préparation, dans la Salle des Trophées les procédures, le déclenchement et l'achèvement de la Révolution.
Nous avons du matériel incroyable. On voit tout ce temps dans la presse, mais aussi dans l’œuvre de la Commission « Grèce 2021 », des institutions, des banques, des autorités, se déployer cette aventure fascinante de notre nation au cours des deux derniers siècles. Je suis certain que le peuple grec, malgré la pandémie, surtout ces jours-ci, se rendra compte que tout, même cette incroyable épreuve que nous sommes en train de subir, s'incline devant l’honneur de cet anniversaire. Nous devons surmonter cette crise, et nous la surmonterons, mais nous devons aussi réfléchir - et cette réflexion sera optimiste - comment avons-nous commencé, quelles difficultés nous avons surmontées contre toute prédiction et comment avons-nous réussi à être un pays qui participe au noyau européen et estime que dans des conditions spécifiques, tangibles, il peut se développer et même aller au-delà de tout ce qu’il a accompli jusqu’aujourd’hui.
Demain c’est le début du troisième centenaire de la Grèce moderne dans des circonstances difficiles, mais sans aucun sentiment de défaite. Nous y entrons avec optimisme, sachant, je le répète, à quel point nous avons commencé et où nous sommes arrivés. « L’Hymne à la liberté » a fait justement cela, a fait l'éloge de ce que nous avons conquis en 1821. « L’Ode à la joie » de la 9e Symphonie de Beethoven est l’hymne de l’Union Européenne depuis plusieurs décennies. Et cet hymne est sans paroles. Parce que la musique peut éventuellement inspirer des émotions aussi intenses.
Au seuil donc de la nouvelle ère, connaissant notre Histoire, fiers de notre Histoire, nous pouvons revendiquer et obtenir la protection de notre précieuse liberté, mais aussi revendiquer et conquérir le bien-être, la prospérité, l'ode à la joie, que chaque Grec et chaque Grecque mérite.
Joyeux anniversaire à tous et a toutes, et restez assurés que malgré les circonstances, malgré les difficultés, malgré cette aventure incroyable et étrange, cet anniversaire ne sera pas obscurci, diminué, réduit, marginalisé. Chaque Grecque et chaque Grec le gardera dans son cœur comme un porte-bonheur pour l'aider dans les prochaines étapes, qui seront, qui peuvent et doivent être, des étapes pour sauvegarder tout ce que nous avons accompli, mais aussi des étapes qui nous mèneront vers encore plus d’accomplissements, des étapes de liberté vers la joie.
Joyeux anniversaire!
*Hymne à la liberté, Dionysios Solomos, vers 44, trad. Xavier Bordes et Démosthènes Davvetas
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